Les toubabs
J’ai quitté Dakar et le Sénégal. Ça fait du bien de repartir après une dizaine de jour dans cette capitale où
tout est différent du monde que je connais. l’agitation et le bordel permanent de Dakar m’ont quand même
permis de comprendre un peu mieux ce qu’est l’Afrique. Même si le fait d’arriver en voilier donne un statut un
peu particulier, on reste un toubab source éventuelle de francs CFA qui vient visiter une ancienne colonie.
Les français installés là depuis longtemps ne font d’ailleurs rien pour changer ce regard. On m’a
immédiatement expliqué qu’un ouvrier sur un chantier était payé 3000 CFA, environ 4.5 €, la journée. C’est la
référence pour continuer à exploiter les locaux pour tout et n’importe quoi. Moi qui suis déjà incapable de
marchander au marché d’Essaouira où c’est pourtant la tradition, je n’ai pas bataillé pour les services
proposés. 7000 CFA pour acheminer l’eau sur le bateau, 300 litres dans des bidons à charger sur la pirogue et
déposer sur Lullaby, ça me semble pas scandaleux.
A écouter les membres du Cercle de Voile de Dakar, il faut toujours tenir la bride sinon « y’a plus de
limite ». ils sont pas loin de regretter la fermeture de camp de l’île de Gorée. Du coup quand un fils de
ministre désoeuvré passe prendre un verre, les esprits s’échauffent et on entend des choses qui ne poussent
pas à l’optimisme béat.
La petite escapade au lac rose, à une heure de Dakar, était plus apaisante. Les enfants du village qui jouent
avec mes poils de bras décolorés par le soleil, la nature cohérente, les baobabs, les dunes, tout ça était
charmant. Bien sur, reçus par Stéphanie et Vincent, nordistes installés sur les bords du lac rose depuis
longtemps, les choses parraissent plus douces. Mais la peinture de Vincent
(overblog
facebook)
témoigne d’une réalité plus
complexe. Une seule soirée en leur compagnie permet de retrouver un certain optimisme à propos du genre
humain. La magie a opéré et c’est aussi pour ce genre de rencontre que je suis parti en voyage. Merci
Stéphanie, merci Vincent, entrés direct dans ma forêt.
2 jours 1/2 pour rejoindre l’île de Boa Vista au Cap-Vert. Des conditions pas trop confortables avec une mer
croisée plutôt travers, ça remue pas mal. Quand même le temps de pêcher 2 bonites qui ont fait notre
bonheur.
Sal Rei est une ville où l’on croise pas mal de touristes. Quand j’ai entendu qu’on me parlait allemand, j’ai
compris que le teuton est venu en nombre. Effectivement, à 2 km on trouve une sorte de centre de vacances à
l’architecture étonnante, genre Aladin de Disney, qui se suffit à lui-même. Complètement clos sauf coté plage
où des policiers locaux passent régulièrement en quad pour rassurer. On y boit de la bière, mange de la
choucroute et grille sur les transats bien alignés comme des chaises un jour de congrès à Nuremberg. L’eau
turquoise où quelques kites font des aller et venues en attendant le soir sert de toile de fond à des
centaines de photos inoubliables. Ça reste un bel endroit pour une halte mais il ne faut pas s’attarder.
Du coup, départ vendredi soir pour une navigation de nuit et une arrivée au petit matin à Palmeira sur l’île
de Sal.
Là, l’ambiance est différente. Une quinzaine de bateaux sont au mouillage mais les touristes préfèrent le sud
de l’île où parait-il on trouve des rangées d’hotels pour européens. Le village n’est pas bien grand et ses
habitants ne sont pas trop occupés. Le poisson est vendu sur le port et on trouve quelques établissements tout
à fait sympathiques pour manger. On peut aussi venir à l’heure où on ne mange plus, et là c’est bien. Le
dimanche soir est traditionnellement consacré à la fête. On mange dans la rue et pour peu qu’on s’en donne la
peine, il est possible de passer la fin de soirée en terrasse d’un petit bar qui regroupe bientôt la moitié du
village autour de quelques guitares. C’est étonnant comme on peut devenir polyglotte après quelques bières.
Quand on a attaqué le rhum, je parlais courament le portugrec. Ça m’avait fait la même chose en Bretagne, dans
le bar associatif de la Roche-Bernard. En fin de soirée, j’aurais pu dire la messe en breton. Ici, pas de
messe. Juste un beau moment. J’y ai « perdu » mon portefeuille avec papiers, carte bleu et liquide. Mais comme
un signe, l’histoire finit bien quand lundi matin, un pêcheur du port m’appelle au téléphone. Je ne comprends
rien à ce qu’il dit mais de toute évidence, s’il a mon numéro c’est qu’il a mon portefeuille. En fait, c’est
une jeune fille sourde et muette qui m’accueille sur le quai, je comprends du coup qu’elle ne m’ait pas appelé
elle-même, et qui me tend l’objet délesté uniquement de l’argent liquide. Ça m’apprendra à être moins
débile.
Je vais rester un peu ici. j’ai retrouvé des amis de voyage rencontrés à Fuerteventura. Ensuite ce sera le
départ vers Mindelo, dernière station avant l’autoroute des alizées vers les Antilles.
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